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Deux chevalières
21 mars 2006

Cunégonde

Valiant8

Image: Valiant Artwork




C'était l'aurore sur Brocéliande.  Le soleil perçait par endroits l'épais branchage en autant de rayons de diamants.  Les arômes mêlés des centaines d'espèces de fleurs qui jalonnaient ma route, embaumaient la forêt et emplissaient mes narines d'un délicat parfum.
 
Je suis une fée.  Je ne suis pas de ce monde et je suis par conséquent immortelle, mais lorsque mon corps physique est blessé au cours d'une bataille, il arrive que sa restauration dure plusieurs jours.  Les fées connaissent les secrets qui régissent l'équilibre de l'univers, elles savent depuis leur tout jeune âge que la terre recèle en elle un grand pouvoir de guérison.  Les huiles et les incantations avaient fait leurs oeuvres et la blessure à mon épaule avait presque entièrement disparue.  Heureusement, une seule nuit avait suffit..  Tout cela aurait dû me mettre d'excellente humeur et pourtant...

Je rentrais à Camelot pour le dernier jour du tournoi.  Les révélations qui m'avaient été faites en rêve avaient apporté un peu de lumière sur le destin qui m'attendait à Avalon, mais tant de questions restaient encore sans réponse.  Toutes sortes de pensées me traversaient l'esprit.  J'étais toute dévouée à mon frère Arthur.  Je vénérais cet amour sacré qu'il y avait entre lui et la reine Guenièvre et je le protégerais sans faillir pendant toute la durée de leurs vies.  Je n'aspirais en vérité qu'à suivre mon destin.  J'étais cependant assaillie par le doute.

Les sentiments que je ressentais pour la reine étaient d'une toute autre nature et leur intensité dépassait largement le dévouement que je lui portais aussi total soit-il.  Des émotions que seul un homme peut ressentir pour une femme.  Du moins, c'est que j'avais toujours cru.  Mais que m'arrivait-il donc?  Depuis que j'avais croisé son regard, je n'avais plus de contrôle sur mes pensées ni sur mon corps, il suffisait qu'elle pose les yeux sur moi pour que mon cœur s'emballe.  Que je ne puisse réprimer cet incroyable désir qui me brûlait sans contrôle.  Oser avoir de pareilles pensées à l'égard de la reine!  Quelle hérésie! Je songeai avec un frisson que je devrais à tout prix réfréner ces coupables ardeurs de peur d'être pendue sur le champ, haut et court.
 
Un bruit de galop me tira de ces considérations.  Un cavalier arrivait à ma rencontre à toute allure.  Je reconnus bientôt le chevalier Perceval, fidèle ami de Guenièvre.  Il avait l'air en proie à un vif énervement.

-Morgane ! Vous voilà enfin ! Il y a des heures que je vous cherche sans succès.  Vous devez absolument venir avec moi.  Il y va de la sécurité de la reine!  J'ai eu vent d'un complot qui se trame et qui est prêt d'être mis à exécution.  Je sais également où ils doivent se réunir ce matin.
 
Guenièvre courait un danger, j'étais soudain sur le qui-vive.  Je le suivis sans hésiter pendant qu'il continuait de m'expliquer.
-C'est une prêtresse déchue du nom de Cunégonde.  Elle convoite Arthur depuis toujours.  Elle voue à Guenièvre un haine profonde et elle a juré de provoquer sa perte.  Elle a fabriqué dernièrement une potion maléfique qui causerait l'infertilité et elle projette de lui en faire boire dès aujourd'hui.

Nous étions arrivés à une petite clairière d'où on pouvait entendre des bruits de voix.  J'avançais prudemment sans me faire voir,  Perceval derrière moi.  Les voix devinrent plus précises:

-Voici mes amis vous qui êtes tous rassemblés ici, voyez dans cette petite fiole, la clé de notre victoire et la source de la déchéance de cette vipère de Guenièvre.  Arthur ne voudra pas d'une femme qui ne pourra jamais lui donner un fils.  Et c'est moi, moi Cunégonde qui le consolerai. Ha! Ha! Ha!

Ils étaient cinq: 2 hommes, 3 femmes.  Gontran le barbare et un de ses acolytes, un chevalier que je me souvenais avoir affronté lors de la première joute du tournoi.  Il y avait aussi deux femmes druides que je n'avais jamais remarqué avant et au centre une femme d'un âge incertain, habillée de la robe couleur safran, caractéristique des prêtresses.  Cunégonde sans aucun doute.

Un seul regard à Perceval et je savais que je pouvais compter sur lui.  J'aimais bien ce garçon, son dévouement et son amour pour la reine étaient émouvants.  Il avait prouvé depuis longtemps la pureté de son cœur et sa loyauté semblait sans limite.  En un clin d'œil, nous étions sur eux.  Gontran reçu enfin ce qu'il avait mérité depuis longtemps et plus jamais il ne blesserait personne.  Je me précipitai aussitôt après sur Cunégonde et lui arrachai la fiole que je brisai aussitôt contre une pierre.  Folle de rage, elle me lanca un regard mauvais avant de grimper sur son cheval et de disparaître au cœur de la foret en criant qu'elle reviendrait pour savourer sa vengeance.  Les druides avaient pris la fuite.  Perceval avait réussi a vaincre le chevalier inconnu mais il avait été blessé durant le combat et il était demeuré par terre, inconscient.

Je le pris sur mon cheval et l'amenai jusqu'au château où les serviteurs de la reine accoururent pour s'occuper de lui.  J'étais arrivée juste à temps pour le tirage au sort des participants.  J'avais 6 combats a disputer, un contre un, si je voulais espérer une place à la table ronde je me devais de tous les gagner.  J'avais quelques minutes devant moi et j'en profitai pour aller appliquer quelques herbes aux propriétés médicinales sur les blessures de Perceval et lui prodiguer quelques encouragements.  Puis je me retirai pour me recueillir en préparation de mon premier combat qui approchait.

Le tournoi allait bon train et je n'étais toujours pas éliminée après mes cinq premières joutes.  Bien sûr, durant le tournoi, au nom de l'honneur et de la justice je n'utilisais pas mes pouvoirs magiques.  Mes adversaires, je les avais battus en toute loyauté. Je me préparais pour la dernière et ultime épreuve quand soudain, je l'aperçu dans la foule, elle avait changé de costume et avait le visage dissimulé sous un énorme capuchon, mais je l'avais quand même reconnue, Cunégonde!

Les trompettes sonnèrent le début du combat... Je vis Cunégonde se diriger furtivement vers l'estrade royale. Mon sang ne fit qu'un tour...

Le coup de lance me frappa de plein fouet en pleine poitrine, je perdis l'équilibre et je me retrouvai à rouler dans la poussière.  Aie! J'avais un instant détourné mon attention de mon adversaire et je le payais très cher.  Il venait sur moi...
 
Je vis soudain dans la foule, l'éclat d'une lame briller près de Guenièvre, mon cœur s'était arrêté.  Je savais pour l'avoir rencontré auparavant que ce chevalier que j'affrontais avait un grand sens de l'honneur et qu'il était digne de la table ronde.  Sans hésiter, je posai un genou à terre et plantai mon épée dans le sol en signe de reddition.  Au diable la table ronde !  La vie de la Reine était en jeu!  Profitant du moment de surprise, je bondis sur mon cheval.  Pourvu qu'il ne soit pas trop tard!  Je m'élançai à toute vitesse vers l'endroit où j'avais vu le bref reflet métallique. Vite!  Pourvu que...

Cunégonde s'était arrêtée net, poignard levé au dessus de la tête de la Reine, ma lance plantée au milieu de son cœur. 
Je me prosternai en signe d'hommage devant Guenièvre, soulagée et heureuse.  Arthur et elle, venaient à peine de réaliser ce qui venait de se passer tant tout ça était arrivé vite. Elle me regardait incrédule... elle s'approcha et me prenant par les épaules me fit relever.  Quand elle me donna l'accolade et que sa joue frôla la mienne, j'ai bien cru que j'allais défaillir.  Puis tout à coup, elle m'a passé son écharpe autour du cou sans dire un mot.  Dorénavant je porterais ses couleurs. J'étais honorée qu'elle m'accorde ainsi sa confiance, c'était un rare cadeau.
 
Elle était si proche, j'aurais pu facilement toucher ses lèvres, elle me regardait de ses grands yeux sombres et ce que j'y lisais me troublait terriblement.  Surtout ne pas céder à cette pulsion qui m'envahissait.  Tout oublier, me laisser aller au péché, à l'irrésistible envie d'embrasser ces lèvres, si délicieusement invitantes...

Le crieur annoncait déjà le début du grand bal de la soirée.  On allait célébrer la fin du tournoi et Arthur procéderait comme prévu, à la cérémonie qui sacrerait le vainqueur du tournoi, Chevalier de la table ronde...  Les violes et les lyres entonnaient dèjà les premières notes...

Je pris congé du couple royal et m'en fus me préparer pour assister aux festivités...

Les événements de la journée n'avaient en rien amélioré les choses et mon trouble grandissait toujours...



Suite: Le cadeau



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