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Deux chevalières
19 février 2006

Camelot

320669

Image: Luis Royo






Je me dirigeais vers Camelot. Je souriais malgré moi. Je me réjouissais d'arriver enfin a destination après un si long voyage. J'avais encore devant les yeux l'image de la Reine, surprise a son insu dans le secret de son intimité. Je me sentais un peu coupable d'avoir ainsi usé de mon pouvoir d'invisibilité mais je ne pouvais réprimer l'excitation que me procurait cette petite aventure. J'étais en proie à une émotion que je n'avais plus ressenti depuis bien des saisons. Moi, Morgane, qui n'avait connu jusqu'à ce jour que les champs de bataille, les larmes et le sang. Aveuglée autant par la cruauté des hommes que par mes propres désirs de vengeance, voilà que j'avais le cœur léger. Je me dirigeais vers Camelot et je souriais...

J'entrai dans l'enceinte du château et la cour intérieure grouillait d'activités. Il y avait des marchands venus des quatre coins du Royaume. Ils avaient exposé leurs marchandises sur la place centrale qu'ils présentaient à grands cris aux badauds qui s'entassaient devant les étalages. Les écuries semblaient remplies à pleine capacité, les palefreniers couraient de tous les côtés, les bras chargés de seaux et de brosses. Aucun doute, il se préparait quelque chose. Du bout de ma lance, je barrai le chemin à jeune écuyer qui passait tout près. 

- Dis-moi mon garçon, pourquoi toute cette effervescence? Que se passe-t-il donc ici?

Il avait levé les yeux vers moi et le sourire qu'il avait d'abord esquissé s'était vite effacé pour faire place à une expression de frayeur. Il venait visiblement de me reconnaître, ce qui n'était pas très difficile. Les femmes qui portaient les armes n'étaient pas très nombreuses dans le pays et mon blason était bien connu pour avoir été aperçu sur maints champs de batailles. Les oracles avaient crié à la ronde les récits de mes faits d'armes et mes ennemis craignaient autant mon épée que mes pouvoirs magiques.

- V... Vous êtes... M... Morgane ?! Heu...   Il était comme pétrifié...

- Parles écuyer, tu n'as rien à craindre de moi. Je lui fis mon plus beau sourire. Il s'enhardit.

- C'est un t...tournoi dans trois jours. Il y aura tous les chevaliers du Royaume et aussi quelques uns en provenance de lointaines contrées. Le gagnant sera consacré par le roi Arthur lui-même, Chevalier de la table ronde.

L'expression de son regard avait encore changé, à présent tout signe de peur avait disparu, il ne disait plus rien et restait là à me fixer. Il était beau avec ses boucles blondes et ses grands yeux bleus. Sa candeur me touchait, a peine 20 ans. Dans ses yeux je vis naître une flamme toute juvénile qui me séduisit. En d'autres circonstances peut-être... Je le remerciai et donnai le signal à mon cheval d'avancer. Comme je le dépassais, je l'entendis murmurer...

- Oh Dieu! Qu'elle est belle !

Je me dirigeai vers les écuries pour y laisser ma monture. Deux serviteurs vinrent à ma rencontre.

- Nous vous souhaitons la bienvenue à Camelot madame, le roi nous a chargés de vous accueillir. Laissez-moi prendre soin de votre cheval pendant que mon compagnon vous conduira jusqu'à lui. Sa Majesté vous attend dans la salle d'armes.

Je descendis de cheval et suivi le serviteur. J'avais une certaine appréhension à l'idée de rencontrer Arthur que je n'avais plus revu depuis le temps de notre jeunesse. Au moment ou j'entrai dans la grande salle, un intense sentiment de danger m'envahit. Sur mes gardes, j'observai attentivement la pièce.

C'était vraiment immense, les murs avaient été ornés de toutes sortes d'armes et d'armures en hommages aux nombreux chevaliers qui avaient combattu pour la gloire du Royaume. Des saillies y avaient été creusées  tout autour et on y avait planté des dizaines de torches qui éclairaient toute la salle d'une lumière diffuse, changeante. Tout au bout, une immense table de pierre incrustée d'or et de pierres précieuses débordant de rouleaux de parchemins et de cartes. Arthur se tenait derrière, il était en grande conversation avec deux des généraux qui dirigeaient son armée, il n'avait pas encore remarqué mon arrivée.

La salle était bondée, des dignitaires et leurs dames, des chevaliers, un groupe d'ecclésiastiques, des gens de toutes provenances. Je fis un pas en avant, le garde qui se tenait à la porte m'annonça. De sa lance, il frappa le sol. Silence. Tous les yeux furent sur moi.

- "Dame Morgane du Lac !"

J'avançais vers le fond de la salle avec assurance, savourant le moment. J'aimais sentir tous ces regards sur moi, je ressentis un petit frisson de plaisir me parcourir l'échine quand j'entendis dans la foule, les murmures d'admiration.

J'observais les visages que je croisais, je pouvais voir dans leurs yeux un mélange de diverses émotions, le désir, presque palpable dans les yeux des hommes.  Dans ceux des femmes, la rivalité, la jalousie, sentiments qui plutôt que de me déplaire, au contraire, me mettaient au défi et venaient augmenter le plaisir.

Mais malgré tous ces yeux qui me transperçaient, je ne pouvais m'empêcher de ressentir encore cette impression de danger. Je redoublai de vigilance.

Quand je passai a proximité d'un groupe de moines, je vis tout autre chose dans leurs yeux. Perversité. Les fées ont cette faculté très utile de percevoir les pensées de certaines personnes. Et au milieu de ce groupe de religieux, je pouvais ressentir très fortement qu'on parlait de complot et de trahison. Le roi n'avait donc pas que des amis à Camelot. Je garderais certainement ces moines a l'œil...

Arthur avait relevé la tête et me regardait de ses yeux pers. Les mêmes que ceux de notre mère. Il lui ressemblait tellement. Je restai sans voix pendant un instant. Je le trouvais beau et j'étais fière de lui, de sa prestance. Je mis un genou à terre et déposai les armes.

- Mes hommages mon frère. Je suis venue de l'autre bout du pays pour mettre, si tu me le permets, mon épée à ton service et joindre tes chevaliers.

Il y eu comme un murmure, un froissement dans l'air puis un profond silence.

Toute la salle se prosterna alors que le garde annonçait :

"Sa Majesté la Reine !"

Guenièvre vint se placer à la droite d' Arthur. Son arrivée avait littéralement illuminé la salle.  Arthur n'avait plus d'yeux que pour elle.  Finalement, il se retourna vers moi.

- Je te salue Morgane, sois la bienvenue à Camelot.  Je dois dire cependant que ta visite ici me surprend un peu.  N'as-tu pas entendu les oracles?  Ils ne prédisent entre nous rien de bon.  De plus, on te dit cruelle et sans pitié, pourquoi maintenant voudrais-tu t'astreindre à la droiture, aux actes d'honneur en te joignant à la table ronde?

- J'ai bien entendu leur chants, mon roi, mais je ne ressens pour toi aucune haine, ni aucune jalousie et je n'ai pour toi aucun désir coupable. J'ai parcouru en tout sens le pays cherchant un quelconque réconfort dans une vengeance inutile et toutes ces vaines batailles ne m'ont pas apporté la paix.  Au nom de Ygerne, notre mère, je voudrais avoir le privilège de combattre à tes côtés et ainsi renverser les oracles. Arthur, mon frère, me donneras-tu cette joie?

- Morgane, je connais ta valeur au combat.  Ta renommée est grande.  Mais je n'ai aucune preuve de cette nouvelle amitié que tu m'apportes, je n'ai eu de toi par le passé aucun signe qui me laisserait croire que ce que tu demandes aujourd'hui est vraiment ce que tu souhaites pour ton avenir.  Je te répondrai donc ceci:  Je ne pourrai accéder à ta requête sur le champs.  Je t'invite à t'installer ici avec nous, tu es la bienvenue, je te l'ai déjà dit.  Un jour viendra où je connaîtrai la droiture de tes sentiments et ce jour-là, si tel est toujours ton souhait, je réaliserai ton vœu.

- Bien mon roi, je m'incline donc devant ta décision. Je passerai quelques temps avec vous et tu verras bientôt que je n'ai dit ici que la stricte vérité.  Mais pour te prouver ma bonne foi, laisses-moi donc alors m'inscrire au prochain tournoi. Si je l'emporte, me donneras-tu ma juste recompense?

-C'est bon ma sœur! Qu'il en soit donc ainsi! Si tu risques ta vie dans ce tournoi, il me serait bien mal aisé de te refuser ta requête.  Si tu remportes les honneurs du tournoi, tu seras consacrée à la table ronde.  C'est la récompense qui sera remise au gagnant quel qu'il soit.  Mais fais attention à toi Morgane, tu pourrais y laisser ta vie...

-Je ne crains pas la mort Arthur pour l'avoir cotoyée bien souvent et de cette façon je te prouverai ma valeur au combat et ma sincerité envers toi.

Je sentais sur moi le regard de la reine.  Dans ses yeux, je ne vis pas l'habituelle antipathie que ressentaient les femmes à mon égard, mais plutôt une certaine curiosité, une sorte de respect.

Peut-être à cause de ma coupable indiscrétion du matin ou simplement parce que je ne comprenais pas pourquoi tout à coup mon cœur battait si fort, mais sa présence me troublait profondément. Sans doute la fatigue, le rouge envahissait soudain mes joues!   Moi Morgane!  Je baissai la tête espérant cacher mon inconfort.  Je ne sais pas jusqu'à quel point j'y réussis.  Elle souriait.  Il n'était pas question que tous ces gens ici, le roi et surtout elle, Guenièvre, me voient rougir comme une petite fille en jupons!  Des larmes de honte me montaient aux yeux. Réagir et vite!

- Majesté, ma Reine, dis-je, j'ai parcouru un très long chemin et je suis rompue de fatigue, permettez-moi de me retirer afin de prendre un peu de repos.

Arthur claqua dans les mains et une servante entra dans la pièce, elle me conduisit jusqu'à une chambre avec une immense fenêtre aux épais rideaux rouges.  Un lit tres confortable.  J'étais ravie.

Une baignoire dans le coin de la pièce avait été préparée pour moi. J'enlevai les courroies qui retenaient ma tunique et d'un mouvement des reins je la laissai glisser sur les dalles de pierres blanches, je me glissai avec délices dans l'eau chaude et parfumée.  Je ne sais pas si c'est la sensation de tous ces regards qui me dévoraient dans la salle d'armes, mais je ressentais une douce langueur...

Mais qui était donc cette femme et comment pouvait-elle ainsi me causer pareil émoi?  Pourquoi faisait-elle tant battre ce coeur que je croyais mort?

La porte de la chambre s'ouvrit et je vis entrer le jeune écuyer rencontré plus tôt dans l'après-midi.
 
- Le roi m'a assigné à votre service durant votre séjour, Dame Morgane. Ses yeux brillaient. Je souris.

- Approches, quel est ton nom?

- Gallaad...

Il prit une éponge et y versa une huile odorante aux étranges propriétés. Ses gestes se firent adroits, si... délicats.  Déjà, je ressentais cette douce chaleur qui montait lentement au creux de mes reins... ma respiration s'accélérait, ... oh... oui.. continues... Je fermai les yeux...



Suite: Une femme contre une femme



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